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Shhrzde
15 octobre 2007

J'suis mort

(Episode 48)
                              From: Stefan Reisinger
                               Sent: 17 Novembre
                               To: Mariën de Orr

Tiens Mariën devine qui c'est ? Non, j'déconne, je sais que tu es grimpée au rideau depuis 10 j, non qu'est ce que je dis presque 15 que tu sais plus rien de ton "agent" exporté en terre exposée. Ben ton agent, la vérité, il est méchamment explosé. Hahaha, je sais c'est nul comme jeu de mots, mais j'en suis là.

Tu en étais restée à la tempête de neige si je ne m'abuse ? Mon rebroussage de pente, ma ptite crise de nerfs évacuée et ma virilité titillée, j'étais reparti cheveux aux quatre vents droit vers les cîmes. Bon, enfin pas tt à fait droit en fait, plutôt par le biais, en tournant autour du cône du sommet par le sud/sud-ouest, un peu sous le vent de ce p...n d'ouragan, protégé par la caillasse. Ah c'était du bon rocher bien pourri, des blocs qui branlent et dévalent dans le devers dès que tu portes pas droit dans les talons pour accrocher et les cares, et les peaux. Mon but c'était de rejoindre la voie normale, p'ce que c'était pas ds notre contrat moral que je fasse une première, juste que je vous pose le paquet en haut, n'est ce pas ? Ds ma ptite tête je m'étais dit : avec le temps de fin du monde qu'on se tape depuis 4 j, pas de danger de croiser les clampins des bases côtières en promenade de santé. Même avec une pelletée de peaux de rennes sous les fesses pour conduire la motoneige et des gants de la Nasa pour presser sur le champignon sans se les geler, c'est pas le bon jour pour faire l'Erebus.


C'était sans compter les Chinois. Sont fous ces types là. J'arrive suant et puant d'avoir tracé comme un dingue pour rejoindre la piste de montée classique et atteindre mon but avant que le temps se remette, c'était l'horreur d'avancer dans le gris, avec que la pensée d'arriver arriver arriver qui frappe dans la tête et anéantit n'importe quelle autre sensation de douleur, mais aussi de plaisir. Tout ce que je déteste, la performance et pas le chemin. Et là, coup de tonnerre, je vois un chapelet de trois tentes, lumière tremblotante sous les auvents, coin chiotte dégueu derrière un mur de blocs de neige au bout de la file. Pas possible de les rater, pas possible qu'ils me ratent : l'un d'eux est en train de remplir une gamelle de neige à fondre pour la soupe du soir juste là où je débouche. Je crois bien que je me suis mis à hurler. Si j'avais pas été saucissoné dans le harnais, le sac à dos, le sac à eau, j'aurais tout jeté en l'air, comme une grenade. Pour que ma colère explose loin. Pas très poli comme façon de socialiser. Mais l'avantage des rencontres multiculturelles, c'est qu'on ne s'en veut pas d'être insupportable. Les Chinois, ils ont juste cru que j'étais fou de joie de trouver du monde. Hahaha.

Après, ils m'ont adopté. Et j'ai eu droit à tout. La fondue du Sichuan marmite à l'huile pimentée où tu trempes tes nouilles de riz ou tes pattes de poulets congelé. Huile qui dégouline forcément au cours du trajet marmite commune - bouche personnelle en plein sur ton gore-tex. Effluves de fondue chinoise garanties pour toute la suite de l'expé. Là dessus, le chef de l'expé, un Californien revenu à la mère patrie, un ptit gars très malin, à la culture aussi phénoménale que son CV bardés de MBA me fait la retape de leur expé : ils sont en opération de marketing pour le plus grand fabricant chinois de vêtements de sport. A la chinoise, ils font les 8 expé les plus "wild" pour lancer la plus "wild" des campagnes de pub pour les JO de Beijing, et la plus prospère ainsi que le 8 l'affiche d'emblée. Z'ont eu de la chance jusqu'à ce que le tps pourri sur l'Erebus : déjà inzepocket le Lhotse par la face sud, le plus chaud des 8000 et une plongée ds le pacifique à -88 m en mélange de gaz. Pas de pertes humaines pour l'instant. Sûrement qu'ils sont pas à 8% près avec les paquets de multiples de 8 dollars que leur sponsor va empocher après ça.


Le cuistot de Mongolie Intérieur, Gengis Khan réincarné s'affairait à récurer de ses grandes paluches les casseroles à un bout de la tente mess, ça faisait un boucan de dingue. J'étais complètement paniqué de leur inventer un truc pour leur expliquer ce que je fichais là...sans qu'ils me prennent pour un espion. J'ai eu une illumination, je leur ai sorti ma bouteille de Clos Marquis que je m'étais gardé pour le sommet et l'accomplissement de ma parole envers toi Mariën. Et je les ai baratiné que j'étais un riche dilettante, 4 mois de commerce international de bonnes bouteilles et le reste du tps catamaran aux maldives et plongée aux seychelles, et puis là, pour changer, un coup sur la glace, avant que ça fonde parce que les Chinois achètent trop de bagnoles. Hahaha, ils ont adoré mes traits d'humour. Après c'est parti en live total. On a ouvert mon Clos Marquis, mais le cuistot avait trimbalé des caisses et des caisses d'alcool de riz. Et je crois qu'on a tout bu pendant les jours suivants, combien de caisses combien de jours, me demande pas. On a aussi joué au poker, au mah jong, à l'argent. En braillant, en s'insultant ds ttes les langues et sur tous les tons. Le responsable carto et le technicien ICT du lot se sont foutus sur la gueule, bilan : arcade sourcilière ouverte que j'ai rafistolé comme j'ai pu et c'est reparti pour se mettre une tête qu'on avait déjà bien prise. On a chanté aussi, y en a un qui sanglotait qu'il y ait pas de karaoké sous la tente. Vazy et pourquoi pas un billard non plus ?? Alors ils ont voulu que je fasse chef de coeur pour hurler avec eux "Le temps des cerises" et la Marseillaise, vive la révolution française, la première révolution populaire pour la dictature du peuple par le peuple ! Hahaha. On était fin bourrés je te promets, et c'était pas si tant drôle de se mettre ds un état pareil sous un ciel si grand.


Ouala. Dès qu'il y a eu un rayon de soleil, le cuistant de Mongolie était pas trop content, avec sa peau presque albinos il va se choper des brûlures de soleil. Mais son chef, il s'en fout pas mal, il a un chapelet de 8 à enfiler, et un jackpot à toucher de retour à Beiking. Ils ont tout emballé pour rattraper le temps perdu en pétage de plomb, et moi j'étais trop heureux de leur dire adieu. Attendre qu'ils dégagent le terrain, pour accomplir ma mission. Tu peux qd même être fier de moi. Même bien imbibé, j'ai rien trahi de notre délire à nous. Se sont jamais douté que j'avais un laptop (bien planqué, mais certes je t'ai pas écrit du coup). Tout le reste du bazar bizarre au fond du traîneau, z'ont vu nakache non plus. Ouala ouala, ma douce commanditaire, c'est pas du pipô même si t'y crois pas. Sur la tête de moi, je te jure, Mariën, donne moi un jour pour pioncer, j'ai vraiment la barre. Ah j'aurais tellement besoin d'une ptite bière pour me déshydrater, pour de vrai cette fois là !!!


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