le verre (de yaourt) de l'amitié
(Episode 53)
From: Bruno Tschinag
Sent: 19 Novembre
To: Solentiname Tschinag
Ma Soli,
Mon
temps de vacances tire à sa fin, ma boîte mail de boulot doit exploser
de requêtes des équipes de la conception et de la prod qui attendent
désespérement que je leur renvoie les résultats des tests de
contraintes sur leurs structures. On se sent indispensable comme on
peut ! Pourtant je crois que je suis encore parti pour prendre la
tangente quelques jours.
A vivre
avec l'autre présence de Marta, l'air vide de sa disparition qui
éclaircit mon ombre et grise mon regard, que suis je devenu ? Ma petite
Marta, ma sylphide, ma belette chérie, tu es partie sur la pointe des pieds, mais
as-tu vraiment soufflé sur toutes tes traces pour que je ne te rejoigne
pas ?
Ce matin
pour lisser un peu les marques de cette énigme insoluble, même dans la
patience, je me suis fait une série de longueur à la piscine de la
villa. Je comprends de plus en plus, Soli, ton goût pour l'effort
physique pratiqué pour lui même. C'est vrai que c'est bon, se couler
dans l'air qu'on respire de plus loin, sentir le goût frais du sang
clair partout dnas la bouche.
Je
remontai sur la terrasse, les joues rouges de mon sport (ben oui, je
suis pas bien entraîné, te moque pas !). Je resserre pas trop
élégamment mon pareo sur mes hanches en passant dans le salon : Mariën
et son inséparable laptop y est assiégée de piles de print-out étalés
sur la table en teck. Les touches du clavier bruissent sous ses doigts.
Je me carapate vers la cuisine, verse 2 verres de lhassi à la mangue et
je reviens. Sur son écran, un texte de mail longuissime s'accumule. Et
puis Ctrl+A. Tout devient bleu. Et Delete !! Je poireaute mes verres à
la main, j'attends le Ctrl+Z pour qu'elle m'en veuille pas de
l'interrompre et de lui faire perdre son laïus péniblement écrit. Mais
non, elle clique sur Send. L'air bien bien énervée.
Moi: Tu
veux pas faire un break ? ça a l'air stressant ton truc non ? A mon
avis, un lhassi bien onctueux pourrait t'aider à bourriner encore
quelques heures, qu'est t'en penses ?
Elle se
retourne, les traits tendus, la main gauche crispée sur son clavier.
Elle me fait de la peine à pas s'autoriser à fondre en larmes de temps
en temps, quand elle en a tellement envie. Bon, je pose les verres
entre les paperasses, je tire un pouf pour me mettre à son côté. Je
fais exprès de coller ma jambe contre la sienne. Elle s'écarte d'une
distance infime, alors je me rapproche en tassant le pouf plus droit.
Sa peau frissone contre la mienne, elle a emmagasinée une tension
nerveuse à faire tourner une centrale électrique cette nana. Je pose ma
main à plat sur sa cuisse nue (elle porte qu'un short en jean). Ce
n'est pas une caresse de Don Juan, même si c'est ambigu je te
l'accorde. C'est surtout une tape amicale, pour l'encourager à lâcher
la pression. Tous les deux on fait durer le plaisir. On regarde
vaguement le soleil qui irise les veines de parquet en teck autour de
nos pieds nus.
Une gorgée de lhassi plus tard, le charme est rompu. Mais on peut se parler. Elle s'angoisse à mort de présenter ses résultats à sa réunion de direction ds 4 jours.
Elle : ça te dit pas de venir avec moi ? On devrait parler du press pack, sur lequel je t'ai déjà demandé ton aide. Enfin on parlera plutôt de tout ce qu'il y a autour. Ah, je t'ai pas dit : le meeting est à Joburg, on pourrait aller à la plage après, ou visiter un parc naturel.
Moi : euh, ben, je...
Elle : t'inquiète, on te paye le vol, ta présence me donne confiance tu sais ? comme c'est vraiment un big milestone où je peux me planter grave...
Moi : t'en n'a pas trop besoin de confiance en toi, c'est plutôt moi qui aurait besoin d'un peu de rab, j'ai jamais vu une fille foncer comme toi, pourtant j'en connais une collection dans le genre !
Elle : boh, je disais ça comme ça, tu peux me dire plus tard ceci étant
Moi : non non ça me tente bien, mais je veux pas t'encombrer...
Elle : Oh c'est canon, t'es vraiment un pote
Moi : je le serais vraiment si je t'avais préparé la sélection de photos que tu m'as demandé
Elle : c'est sûr, mais qd je suis tristoune comme tt à l'heure, c'est encore mieux de m'apporter un peu de good vibes
On se donne l'accolade, elle a carrément raison, c'est bon de se toucher, se taper dans le dos, on va bien s'entendre je crois avec cette nana. Elle te plaira aussi. Si tu te décides à rentrer et par le même chemin qu'à l'aller, on pourrait même te faire un petit comité d'accueil à la salle de débarquement de ta remontée pôle / europe. Canon non ?
Un abrazo muy carinoso,
Bruno.